Le leurre de l’interdiction de la burqa

Ce soir j’ai entendu une camarade dire à la radio pourquoi elle votera oui à l’initiative sur la burqa. Par féminisme et parce que la Suisse doit défendre ses valeurs et sa culture. Or, je pense que l’objet premier de cette initiative cache des enjeux immenses pour les progressistes de ce pays. Et dire OUI à cette initiative est trop simpliste, voire une régression pour nos valeurs justement.

En effet, on le sait, le phénomène de la burqa est quasi inexistant en Suisse. C’est un phénomène qui n’existe pas. Pourquoi ? Parce que le port de la burqa n’a jamais été un phénomène religieux détaché de phénomènes politiques. Partout où le port de la burqa a été rendu obligatoire, il a été accompagné de changements politiques. D’une prise de pouvoir étatique ou sociétale par des musulmans rigoristes. Or, cette révolution politique n’est pas à l’ordre du jour en Suisse. Pas de remplacement de la Constitution par la charia ; pas de salafistes au Conseil fédéral, ni au parlement et, pour les éviter au sein de la population ou dans les associations, alors il faudra revoir le rapport de l’Etat aux religions (exprimé dans un autre billet et dans une motion présentée en décembre 2014 , sur lesquels je ne reviendrai pas ici). 

Et c’est précisément parce que nous vivons dans ce contexte démocratique que voter oui à cette initiative est stigmatisant pour les musulmans. Ce qui est stigmatisant ce n’est évidemment pas que des femmes ne puissent pas porter la burqa. Ce qui est stigmatisant c’est de faire croire à notre population que les musulmans de Suisse exigent le port de la burqa de la part de leurs femmes et que de ce fait il faudrait l’interdire. Cette initiative, qu’elle passe ou non, ne changera rien à la condition de la femme musulmane en Suisse. Elle ne portait pas de burqa et n’avait pas l’intention de la porter. Dire oui à cette initiative et pousser d’autres à le faire, et les propos que je lis notamment sur les réseaux sociaux me le confirment, serait donner ce message aux citoyen-ne-s : nous avons un problème de burqa en Suisse. Nous avons un problème de radicalisation des musulmans dans notre pays. Nos valeurs sont menacées. 

Donc au-delà de notre horreur justifiée de la burqa, voter des interdits et donc des sanctions pour un problème qui n’existe pas, c’est laisser libre-court à nos préjugés sur une communauté confessionnelle qui elle est bien réelle en Suisse. C’est cela qui est stigmatisant. 

J’entends bien l’argument féministe. Je le crois sincère de la part de mes camarades, beaucoup moins de ceux qui ont lancé ce texte puisque ces derniers ont toujours voté contre les mesures d’émancipation pour la femme au Parlement ou dans les urnes. Mais j’aimerai dire ceci à mes camarades : l’acte militant féministe aujourd’hui pour les Suissesses, ce n’est pas d’interdire la burqa, mais c’est de ne pas en porter là où c’est obligatoire. À mes yeux, c’est l’acte féministe à faire, sans peur de stigmatisation en Suisse. Comme l’a fait d’ailleurs Michelle Obama en visite officielle en Arabie Saoudite. 

J’aimerai conclure par une petite histoire : chaque fois que à gauche nous cédons du terrain en reprenant de manière simpliste les arguments des adversaires nous laissons un peu plus de place au mal. Le phénomène de l’accueil des requérant-e-s d’asile est un bon exemple. À force d’avoir peur de la vindicte électorale populaire, beaucoup de politicien-ne-s (sauf Merkel) ont laissé dire sans contradiction les arguments populistes de l’extrême-droite. Les requérant-e-s d’asile sont potentiellement des dealers, des violeurs, des criminels…(on entendait cela avant même le phénomène des djihadistes européens). Il y en a eu certes quelques-uns. Et pour ces quelques-uns, les progressistes ont cédé à la pression et ont voté des lois de durcissement contre les requérant-e-s, sans plus lutter pour donner un autre discours, une autre vérité. Je le sais parce que je fais partie de ceux qui ont mis un bémol dans la lutte, fatiguée par l’immensité de la tâche qu’est le sens critique. Résultat : entendu de mes oreilles une maman dire « un centre de requérant-e-s dans mon village ? Quelle horreur ! Vous vous rendez compte ? Mes enfants devraient passer devant »… Les requérants d’asile aujourd’hui sont devenus les pestiférés du Moyen-Âge. On ne doit même pas les approcher, passer devant, les toucher, les considérer comme des êtres humains. 

Je pense que les responsables politiques et les partis ont une grande responsabilité : choisir de céder à la facilité au risque de déplacer le curseur vers une société plus fascisante ou alors continuer d’appréhender les enjeux derrière chaque proposition en ayant une lecture intelligible et intelligente des phénomènes politiques et sociétaux. 

Parce que tout n’est pas blanc ou noir. Parce que le féminisme et nos valeurs ne se résument pas à pour ou contre la burqa et surtout ne les font pas avancer.

Interlocuteur-trices sur ce thème

Clément Borgeaud

Clément Borgeaud

Porte-parole & campagnes Suisse latine

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