La Suisse se laisse enfumer

Blog de Fabienne Freymont Cantone, Candidate PS au Conseil national, publié le 14 août 2019 par Le Temps

Symptômes

Il y a quelques semaines, le Département des affaires extérieures de M. Ignazio Cassis acceptait un sponsoring de la part d’un géant du tabac en faveur du pavillon suisse de l’Exposition universelle de Dubaï 2020. C’était la voie trouvée par Présence Suisse pour cofinancer une importante vitrine internationale de la Suisse officielle. Devant la levée de boucliers de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des politiques, juristes, citoyennes et citoyens de tous horizons, le conseiller fédéral a heureusement fait marche arrière. Cependant, cette acceptation première de ce sponsoring est symptomatique d’une politique suisse qui traîne les pieds en matière de prévention du tabagisme. Cette dernière nous vaut d’être classés en queue de peloton pour notre législation peu restrictive. Il y a plus de 10 ans déjà, je dénonçais aux Autorités vaudoises, canton où siègent plusieurs multinationales du tabac, son manque de volontarisme, et demandais des actions en matière d’interdiction de publicité, de sponsoring, etc… Si peu a changé depuis.

Bien pour l’économie, vraiment ?

De fait, les Autorités fédérales et cantonales défendent une industrie du tabac qui occupe 4’500 personnes en Suisse. Elles mettent aussi en avant les profits qu’elle génère pour l’Etat sous forme de taxes et d’impôt. Ces arguments sont pourtant aisément contredits : les retours économiques de ce secteur sont inférieurs aux coûts supportés par ce même Etat en matière de soins à apporter aux victimes du tabac et à leurs familles. Par ailleurs, les dépenses pour cigarettes peuvent être plus qu’avantageusement reportées sur la restauration, des loisirs, des biens de consommation courante, soit des secteurs forts pourvoyeurs d’emploi. Si l’on pense « économie », il faut calculer globalement ; et ces calculs poussent à enfin faire une prévention anti-tabac efficace et à faire évoluer la législation dans ce sens. Quoi qu’il en soit et au-delà du déséquilibre entre ce que rapporte le tabagisme pour l’économie nationale et ce qu’il coûte au système, les enjeux de santé publique sont à considérer comme prépondérants et inconciliables avec ceux de l’industrie du tabac.

Faits de santé

Dans les pays industriels occidentaux, le tabagisme constitue le plus grand risque évitable pour la santé. En Suisse, 9’500 personnes meurent chaque année des suites de la consommation de tabac. Les coûts supportés par la collectivité se chiffrent par milliards. Ou autre manière de l’exprimer :   « une personne environ meurt toutes les 6 secondes dans le monde du fait de ce fléau, ce qui représente un décès d’adulte sur 10. La moitié des consommateurs actuels mourront d’une maladie liée au tabac. » En Suisse, la proportion de fumeurs n‘a pas changé ces 10 dernières années et stagne à 27%. En ce qui concerne les jeunes, en Suisse en 2016, 31.6% des 15-25 ans étaient fumeurs ou fumeuses, soit un niveau plus élevé que dans la population générale (Monitorage suisse des addictions – le tabagisme chez les 15-25 ans).

Ces mauvais chiffres sont en lien direct avec le manque de volontarisme politique affiché par nos autorités, et leur fléchissement aux stratégies sophistiquées de communication des acteurs du tabac. Et pourtant, l’OFSP, et de multiples acteurs de prévention à diverses addictions sont actifs sur le terrain. On pouvait espérer une avancée quand la Confédération a signé il y a près de 15 ans la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Ainsi elle s’engageait (art. 5.3.) ” … à ce que ses politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, …”. Toutefois le Parlement n’a pas encore ratifié cette signature.

Tabac et fumée : est-ce vraiment différent ?

Nouveauté : le grand cigarettier lausannois et neuchâtelois, et ses concurrents, développent et veulent vendre maintenant un produit alternatif à la cigarette traditionnelle, qui, « chauffant » le tabac, le rendrait moins nocif. Comble du cynisme publicitaire, ces géants du tabac défendent l’idée d’un monde sans tabac – et vendent leur action économique dans ce sens – on l’a constaté encore dernièrement avec des pleines pages publicitaires dans nos journaux. C’est ce nouveau produit que Présence Suisse avait accepté comme ressort unique de promotion à Dubaï, méconnaissant la réalité du transfert d’image d’une marque sur toutes les autres du même industriel.

De fait, ce nouveau produit « chauffé » est aussi problématique pour la santé : c’est la position stable et constante de l’Office fédéral de la santé. D’ailleurs, l’Etat de Vaud, suite à une interpellation que j’avais déposée en 2016 (3), ainsi que la Ville de Lausanne, l’avaient compris : ils ont fait en sorte que le nouveau « flagship store » de la marque, dans le quartier jeune et festif du Flon, ne soit jamais ouvert. En très bref, le potentiel de réduction des risques des nouveaux produits du tabac “chauffé” n’a pour l’heure été affirmé et démontré que par des études payées par l’industrie. Les études indépendantes qui arrivent, tendent à être divergentes. Aussi, cette stratégie d’un “monde sans fumée”, apparaît à ce stade davantage comme une opération de marketing, de séduction, visant à se racheter une image et façonner l’opinion publique et les décideurs. Certains y sont sensibles…

Loi fédérale devant le parlement

On l’a compris, il y a un lobbying intense des industriels du tabac ayant leur siège en Suisse pour que la Suisse ne durcisse pas sa loi sur leurs produits et restreigne davantage la publicité, et la consommation du tabac, dans des espaces publics. Ils y réussissent : le projet de loi sur les produits du tabac qui prévoyait des restrictions de publicité a été refusé par le parlement en 2016. Le nouveau texte proposé au législatif fédéral pour votation en 2020 est presque vide, se limitant à l’interdiction de vente de tabac aux mineurs (déjà existante dans la plupart des cantons) et à une interdiction de publicité par média (papier, affiches, radio, télévision, …), seulement lorsque ce sont les mineurs qui sont directement visés. Si la commission du Conseil des Etats qui étudie présentement ce projet de loi semble vouloir durcir quelque peu les propositions du Conseil fédéral, rien n’est précisé pour le sponsoring de manifestations de tous types auxquels les mineurs prennent aussi part (festivals de musique par exemple).

Sponsoring justement…

Le sponsoring est un élément clé de la stratégie des cigarettiers. Ainsi ils réussissent à être visibles, mais aussi à faire du « culture-, sport- ou social-washing ». Des soutiens financiers à des programmes d’action ou des œuvres d’entraide qui luttent, par exemple, contre la pauvreté, le travail des enfants, les femmes battues, ou qui s‘engagent pour l’éducation, l’art, la culture ou encore la protection de l’environnement, sont des stratégies réfléchies, destinées à améliorer la réputation de l’industrie du tabac. Dans le cadre de manifestations, ces fabricants et vendeurs de fumée ne se contentent d’ailleurs pas de donner une contribution financière : la plupart du temps, de larges activités de promotion sont déployées. Il s’agit de stands de vente, de plateformes proposant des activités ludiques et attractives, des offres promotionnelles, etc.

L’OMS l’a bien compris : elle interdit tous les types de publicité en faveur du tabac et de promotion du tabac ainsi que tout parrainage conduit par l’industrie du tabac, qui favorise une image positive du tabagisme et de son industrie auprès de l’opinion.

Qu’en dit la population ?

Selon le Monitorage suisse des addictions de 2015 réalisé sur cette question, 52% des Suisses et 58% des Romands sont favorables à une interdiction globale de la publicité pour le tabac, y compris dans les points de vente. De plus, comme pour d’autres mesures de prévention du tabagisme, une fois adoptées, on a vu l’adhésion de la population à ces lois s’accroître progressivement, y compris parmi les fumeurs.

La balle est donc maintenant dans le camp du parlement ; je veux croire en sa prise de conscience sociale et économique des méfaits de cette industrie du tabac, et en sa représentativité de la sensibilité de la population suisse sur la question. Si les lois ne vont pas rapidement dans le sens de ce que la Confédération a elle-même signé auprès de l’OMS, ce sont des initiatives populaires qui vont faire avancer les choses. Sans aucun doute, le dépôt prochain de l’initiative “Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac” va contribuer à faire avancer la cause d’une vraie prévention du tabagisme.

Le produit du tabac tue 1 consommateur sur 2 – aucun autre produit, que cela soit la voiture, les hamburgers des grandes chaines de restauration américaine ou les boissons ultra sucrées, n’ont des résultats aussi catastrophiques. L’OMS, ce vendredi 26 juillet 2019, dans son dernier rapport sur le sujet, dénonce les « manœuvres qui visent à manipuler l’opinion publique et à entretenir la confusion » opérées par les géants de l’industrie du tabac ayant leur siège en Suisse. Effectivement, nous ne voulons plus nous laisser enfumer. Dont prise de conscience et acte.

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