Le regard d’André Liechti sur la conférence des membres du PS60+ du 13 juin 2025

Alors que le PS60+ consacre ses réflexions annuelles au système de santé, je me souviens avoir lu dans l’édition du 28 février du journal 24heures, que le professeur Arnaud Perrier, le nouveau président de l’Académie suisse des sciences médicales, constate que « le système de santé suisse s’essouffle ». Il évoque en particulier le manque de mesures de prévention.

par André Liechti, délégué du PS60+ vaudois

Au même moment, le journal Le Temps nous apprenait que l’Office fédéral de la santé publique doit économiser 11 millions de francs. Ces mesures d’économie décidée par le Conseil fédéral et le parlement toucheront en particulier la prévention. J’ose espérer que notre camarade Elisabeth Baume-Schneider s’est battue bec et ongles contre ces mesures qui vont à l’encontre d’une politique de santé cohérente et efficiente.

Lorsque des questions politiques de fond se posent à moi, je questionne souvent les écrits d’un penseur et philosophe de la politique qui m’accompagne depuis les années 1970 : André Gorz, cofondateur avec Jean Daniel de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur en 1964 dans lequel il écrivait sous le pseudonyme de Michel Bosquet. Pour qui souhaite en savoir plus sur la vie et l’œuvre d’André Gorz, Willy Gianinazzi lui a consacré une belle biographie.

Un film, « Lettre à G. », que l’on peut visionner sur « YouTube » retrace de manière délicate et sensible le parcours de vie d’André Gorz.

Inspiré par les thèses d’Ivan Illich, André Gorz est considéré comme un théoricien majeur de l’écologie politique. Il développa ses idées dans le mensuel Le Sauvage, auquel j’étais abonné et dont la diffusion a cessé depuis longtemps, avant de rassembler ses écrits dans un ouvrage de référence Écologie et politique (1975) augmenté de Écologie et liberté (1977).

André Gorz a consacré le chapitre quatre de son livre à la question de la santé sous le titre « Médecine, santé et société ». Il introduit ses réflexions révolutionnaires, en déclarant vouloir :

« inciter les gens non pas à refuser tous les médicaments et soins médicaux, mais à reprendre le pouvoir sur leur maladie, sur leur corps et leur esprit. Qu’ils mettent en cause tout ce qui les rend malades dans leur vie quotidienne : l’école, l’usine, le pavillon à crédit, le couple, etc. »

Et il ose affirmer :

« En incitant les gens à porter leur maladie chez le médecin, la société les détourne de s’en prendre aux raisons fondamentales et permanentes de leur mal-être. En traitant les maladies comme des anomalies accidentelles et individuelles, la médecine en masque les raisons structurelles, qui sont sociales, économiques, politiques. Elle devient une technique pour faire accepter l’inacceptable. »

Relire ce chapitre d’« Écologie et politique » fut pour moi une excellente préparation à la thématique de notre Conférence des membres qui s’est à nouveau tenue à Berne au Centre de conférence du syndicat Unia.

Une centaine de membres ont choisi de consacrer ce vendredi estival à la réflexion autour du thème « Le système de santé est un service public ». Alors que ce sujet nous touche tous directement et que les intervenants invités pour traiter les différents aspects du sujet sont des experts qualifiés, je m’étonne une nouvelle fois du peu de participation. Car enfin, sur les 12’000 membres du PS Suisse âgés de plus de 60 ans, 3’500 d’entre eux sont membres du PS60+ dont l’effectif a augmenté de 25% en 2024. Peut-être qu’un sondage auprès des membres pourrait apporter une réponse au mystère de cette faible participation à nos Conférences.

Notre coprésidente Rita Schmid souhaita la bienvenue et, en cette veille de la Grève féministe du 14 juin, rendit un bref et vibrant hommage à notre camarade Christiane Brunner. Les participants observèrent un moment de silence en sa mémoire et en celles de nos camarades Hansjürg Rohner, coprésident du groupe de travail « Politique sociale » et Idda Maier-Widmer, déléguée du PS60+ Thurgovie, décédés il y a quelques mois.

Après les quelques opérations statutaires obligatoires, notre coprésident Dominique Hausser, après une brève introduction au thème de la journée, invita le professeur Dr méd. et phil. Milo Puhan, directeur de l’Institut d’épidémiologie, de biostatistique et de prévention de l’Université de Zurich (EBPI), président du comité de direction du PNR 74 « Système de santé », à nous présenter les principaux résultats du projet sur le système de santé du Fonds national suisse de la recherche scientifique.

Cette recherche a comporté 34 projets, sur une durée de cinq ans avec un financement de 20 millions de francs. Principalement basée sur le soin des patients atteints de maladies chroniques nécessitant des soins de longue durée, de nombreux aspects de la recherche ont été abordés en particulier dans le but d’encourager la participation du patient, de promouvoir la formation du personnel, d’améliorer le soutien à domicile, de favoriser la communication et le dialogue entre tous les acteurs. Les recherches réalisées indiquent à travers de nombreux exemples que les soins peuvent être organisés de manière plus efficace et plus orientés vers les patient.es. Le document des résultats de ce vaste projet de recherche peut être téléchargé depuis le site du PNR 74. Ces résultats offrent des solutions d’améliorations dont la mise en œuvre est toutefois difficile sans un cadre au niveau fédéral, tant la diversité des systèmes cantonaux est grande.

Puis ce fut au tour du professeur honoraire Dr méd. Arnaud Perrier,Président de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), ancien directeur médical des Hôpitaux universitaires de Genève, d’aborder la question de l’utilité et de la nécessité d’une loi fédérale sur la santé. Il constate que le système de santé est en crise. Il coûte très cher et il est peu coordonné. L’offre entre les régions bien développées et moins développées est très différente. La gestion administrative est de plus en plus lourde. La digitalisation des données est insuffisante. On assiste à une surmédicalisation. La Suisse est le pays où les résidents paient le plus de leur poche. En conclusion, ce système n’est pas durable et il manque un cadre fédéral. L’Académie s’est interrogée sur la pertinence de l’instauration d’une loi fédérale. Dans le but d’y voir plus clair, elle a confié un mandat de recherche à Unisanté.

Cette recherche nous a été présentée par la professeure Dr méd. Stéfanie Monod, professeure titulaire de l’Université de Lausanne, médecin-cheffe et co-cheffe du Département d’épidémiologie et de systèmes de santé d’Unisanté. L’oratrice a rappelé que l’État se doit de protéger la santé qui est un bien précieux et d’offrir à la population une protection financière en cas de maladie. Elle observe dans le système de santé actuel un surdéveloppement dans les activités techniques qui favorise le marché de la réparation de la santé, source de beaucoup de profit. Le système est très cher et conduit à un renoncement aux soins. Il tend à ne traiter que de l’accès aux soins et néglige les autres aspects, tel que la prévention. Face à l’augmentation des coûts, le système cherche à la maîtriser, ce qui engendre une charge administrative énorme. Pour faire face au vieillissement de la population, donc à l’augmentation des besoins en soins de longue durée, le système actuel est déficient. En 1991, on comptait cinq actifs pour une personne âgée, en 2019, quatre et en 2023, trois. Il s’agit de rééquilibrer le système de santé qui est par trop hospitalo-centré.

Pour maîtriser ce système, les compétences données par la Constitution à la Confédération sont limitées à quelques domaines spécifiques. Les cantons, dans leurs diversités, sont responsables et compétents. Il n’y a pas de cadre pour la prévention. La communication est rudimentaire (p. ex. le dossier du patient). La formation des médecins généralistes est confiée aux cantons qui n’ont pas mission de former pour toute la Suisse. Il n’y a pas de régulation nationale pour la planification des médecins. Face aux divers lobbys qui agissent dans le domaine, il n’y a pas de lobby constitué des patients et des citoyens pour faire contrepoids. Et bien d’autres aspects qui démontrent la déficience du système actuel.

Les conclusions de l’étude d’Unisanté (Unisanté: Analyse de la gouvernance du système de santé suisse et proposition d’une loi fédérale sur la santé (20.02.2024) PDF, 2 MB) mandatée par l’Académie suisse des sciences médicales ont convaincu l’Académie de la pertinence de l’introduction dans la Constitution d’une loi-cadre fédérale sur la santé qui offrirait un ancrage constitutionnel. Elle assurerait l’équité, l’accès, la qualité et l’efficience et définirait les règles de financement. Elle définirait la répartition entre Confédération et cantons. Elle assurerait la participation des citoyens et des patients. Elle définirait la responsabilité et la redevabilité des acteurs. Elle obligerait une planification des ressources dans les professions de la santé. Elle instaurerait un système d’information efficace. Le professeur Perrier a présenté un projet d’article 116a qui répond à ces différents critères (Pour une loi fédérale sur la santé. Prise de position de l’ASSM (23.05.2024) PDF, 227 KB).

Le débat est lancé avec les nombreux acteurs concernés. Sur le fond tout le monde semble d’accord, mais lorsqu’on aborde les détails cela se complique. Il faudrait pouvoir minimiser le pouvoir des lobbys et réduire l’influence de l’idéologie.

Après ces présentations très intéressantes dont la densité d’informations a requis notre attention et sollicité nos neurones vieillissants, la chorale « Dancing Old Ladies & Singing Old Ladies » nous a enthousiasmés par l’interprétation enjouée et tonique de leur répertoire féministe très engagé.

Après le repas, les membres se sont interrogés par petits groupes sur comment agir politiquement pour résoudre les difficultés de l’accès aux soins, pour faire face à la pénurie de personnel, pour piloter la politique de santé. Les diverses propositions seront reprises par le groupe de projet « Santé » du PS60+ chargé de rédiger un papier de position. Plusieurs sujets ont été cités : la caisse d’assurance publique ; le numerus clausus ; le dossier du patient ; l’interdisciplinarité ; la formation des médecins généralistes ; le principe de la franchise ; la prime en fonction du revenu ; pas de politique du pansement, mais un nouveau système de santé ; le PS Suisse devrait en faire un thème prioritaire.

A la fin de son exposé, le professeur Perrier a comparé le système de santé suisse au Titanic qui se rapproche lentement et inexorablement de l’iceberg fatidique. Il est urgent de manœuvrer et de changer de cap. Mais qui reprendra le gouvernail ?

En conclusion de la discussion, les membres ont adopté une résolution qui affirme que le système de santé doit être un service public.

La fin de la Conférence a été consacrée à quelques affaires statuaires et à l’élection pour les deux prochaines années de la présidence du PS60+ qui sera à nouveau assurée en coprésidence par Rita Schmid et Dominique Hausser qui ont été chaleureusement remerciés et applaudis.

Pour le PS60+Vaud, Francine Jeanprêtre a renoncé à poursuivre son mandat de déléguée librement élue qu’elle a assuré durant de nombreuses années, alors que Reto Bablan a décidé de poursuivre sa mission et a été réélu.

Il est des membres que l’on se doit de remercier chaleureusement, tant leur engagement est intense et exemplaire. Notre coprésidente a su trouver les mots pour dire la profonde reconnaissance du PS60+ à Ruth Schmid, présidente du groupe de travail « Santé » et membre du Comité directeur et à Heinz Gilomen, membre du Comité directeur et du groupe de travail « Politique sociale ». Si elle et lui quittent leurs fonctions après de nombreuses années d’inlassable engagement, nous savons pouvoir compter encore sur leur grande expérience et leur expertise dans le cadre de l’élaboration de nos futures propositions.

A l’heure du traditionnel apéro, observant mes camarades et repensant à André Gorz, je me suis demandé combien d’entre nous ont le bonheur de vivre ou d’avoir vécu une vie de couple telle que celle qu’il a vécue. Je ne résiste pas à l’envie de vous inviter à lire ou à relire l’émouvant hommage que l’auteur rend à sa compagne Dorine dans sa « Lettre à D. »

André, né Gerhart Hirsch à Vienne, est fils d’un père juif qui en 1930 a changé son nom en Horst. En été 1947, il rencontre Dorine, jeune Anglaise dont le nom est Doreen Keir, à Lausanne où il a étudié la chimie à l’université. Elle a 23 ans et lui 24 ans.

Nous sommes en 2006. Gorz, 83 ans, commence sa déclaration d’amour par ces mots :

Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais.

Mais Dorine est malheureusement atteinte d’une maladie dégénérative et d’un cancer. André et Dorine décideront de mourir ensemble. Il écrit en dernière page de sa Lettre à D. :

Nous aimerions chacun ne pas avoir à survivre à la mort de l’autre. Nous nous sommes souvent dit que si, par impossible, nous avions une seconde vie, nous voudrions la passer ensemble.

Le 22 septembre 2007, un faire part adressé aux amis est en bonne vue sur la table. On peut y lire :

Gérard Horst, dit André Gorz, et son épouse Dorine se sont unis dans la mort comme ils s’étaient unis pour la vie.

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