Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit :
Art. 1 Modification
La loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 4 décembre 1997, est modifiée comme suit :
Art. 9B Garantie du traitement en cas de maladie ou d’accident (nouveau)
1 En cas d’absence pour cause de maladie ou d’accident attestée par certificat médical, les membres du personnel soumis à la présente loi, y compris ceux visés à l’article 1, alinéa 2, ont droit au versement de l’intégralité de leur traitement à concurrence de 730 jours civils (520 jours de travail) sur une période d’observation de 1095 jours civils (780 jours de travail). Les rapports de service du membre du personnel incapable de travailler pour cause de maladie ou d’accident ne peuvent pas être résiliés jusqu’à l’expiration de ces 730 jours.
2 A cette fin, une cotisation est prélevée sur le traitement du membre du personnel. Elle est calculée sur une base actuarielle et correspond au tiers du coût de la mesure. 3 La cotisation est adaptée tous les trois ans au moins. L’éventuel excédent de cotisation passé vient en déduction des cotisations futures. Une perte éventuelle n’est pas reportée sur les membres du personnel. 4 Le membre du personnel malade peut être adressé auprès du médecin- conseil de l’employeur. Il est tenu de collaborer aux mesures d’investigations préconisées par le médecin-conseil et de lever si nécessaire ses médecins traitants de leur secret médical. A défaut, il peut être déchu de la garantie prévue à l’alinéa 1. 5 Le traitement durant la période garantie peut être réduit lorsque la maladie ou l’accident sont dus à une faute grave du membre du personnel, soit lors de la participation à des courses avec des véhicules à moteur ou avec des bateaux à moteur ainsi que lors des entraînements effectués sur le trajet de la course, lors de l’utilisation d’aéronefs et de véhicules à moteur si les accidents résultent d’une infraction intentionnelle aux dispositions légales ou d’accidents ou de maladies résultant de crimes ou de délits commis par le membre du personnel. 6 L’employeur récupère les prestations que le membre du personnel reçoit des assurances cantonales ou fédérales ainsi que d’une institution de prévoyance, jusqu’à concurrence des montants versés par lui.
Art. 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d’Etat fixe la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames et Messieurs les députés,
Ce projet de loi a pour finalité d’améliorer le dispositif existant en matière de garantie de la rémunération des membres du personnel de la fonction publique malades ou accidentés.
Le régime actuel, institué à l’article 54 RPAC, prévoit que le fonctionnaire a droit à la prise en charge de sa rémunération durant une période de 730 jours en cas de maladie. Une cotisation est prélevée sur son salaire.
Toutefois, la pratique du Conseil d’Etat et de la direction des HUG notamment, validée par la Cour de justice sur le fondement du texte actuel de l’article 54 RPAC, a pour effet de permettre de congédier le membre du personnel après la période de protection contre les licenciements en temps inopportun, quand bien même le membre du personnel n’aurait pas épuisé son droit à la garantie du versement de sa rémunération durant 730 jours. Les membres du personnel de l’Etat se retrouvent ainsi dans une situation plus défavorable que la majorité des salarié-e-s du secteur privé au bénéfice d’une assurance perte de gain qui continue à indemniser les cas de maladie ou d’accident ouverts avant la fin des rapports de travail.
Cette pratique est source d’importants inconvénients pour les membres du personnel concernés. Privés de tout revenu alors que leur incapacité de travail n’a pas cessé, ces derniers ne peuvent ni solliciter de prestations de l’assurance-chômage ni bénéficier d’indemnités journalières de l’assurance- invalidité (AI). En effet, l’AI sert des indemnités journalières dans le cadre de l’instruction d’un dossier de demande de prestations, lorsqu’elle met en place une mesure d’investigation, par exemple sous forme de stage.
Ainsi, le membre du personnel doit émarger à l’assistance publique, pour autant qu’il ne dispose d’aucune épargne et/ou d’aucun bien immobilier.
Ce projet de loi poursuit également l’objectif de maintenir le système d’auto-assurance profitable tant à l’Etat qu’aux bénéficiaires.
Les assureurs privés prévoyant le versement d’indemnités journalières en cas de maladie traitent bien souvent mal les personnes assurées. Le scandale de la clinique Corela, auprès de laquelle bon nombre d’assureurs adressaient leurs assurés-e-s, illustre la manière dont beaucoup d’assurances ménagent les intérêts des assuré-e-s. Les mandats donnés à la clinique Corela concernent des cas où celles-ci n’avaient purement et simplement pas cessé de verser des indemnités en se fondant sur une évaluation théorico-médicale du cas par leurs médecins. Traduite en terme courant, l’expression « théorico- médical » signifie que les assuré-e-s ne sont pas même examiné-e-s par un professionnel avant de voir leurs revenus coupés.
L’assuré-e n’a alors d’autre choix, s’il ou si elle veut obtenir le versement des prestations, que de saisir la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Ces procédures sont d’ordinaire longues. Si le Grand Conseil a garanti la gratuité de l’accès aux juges, dans le cadre des débats concernant la réforme de l’organisation judiciaire et sous pression d’un comité représentant les intérêts des salarié-e-s, des locataires et des assuré-e-s, il n’en va pas de même de la prise en charge des frais d’avocat dont l’assistance apparaît indispensable eu égard à la technicité de ces procédures.
Par ailleurs, recourir aux services d’une assurance maladie perte de gain privée placerait l’Etat ou l’établissement public employeur dans une situation de dépendance. L’assureur n’est en effet pas tenu de renouveler la police aux mêmes conditions. Il en découlerait une imprévisibilité.
La conclusion d’une telle police d’assurance par l’Etat permettrait en outre à un assureur privé d’accéder potentiellement à des données sensibles de près d’un dixième de la population.
En sus de la suppression de la pratique susmentionnée, ce projet de loi reprend pour l’essentiel le dispositif mis en place par le Conseil d’Etat. Il s’inspire également du contenu de certaines conditions générales d’assurances privées. Il offre enfin de placer tous les membres du personnel de la fonction publique au bénéfice d’un seul régime d’assurance en lieu et place des distinctions prévues actuellement dans le règlement d’application édicté par le Conseil d’Etat selon l’ancienneté et le statut.
Au vu de ces explications, les auteurs de ce projet de loi vous invitent à lui réserver un accueil favorable.