Projet de loi
modifiant la loi sur l’instruction publique (LIP) (C 1 10)
(Pour garantir la gratuité des sorties et camps scolaires à l’école obligatoire)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit :
Art. 1 – Modification
La loi sur l’instruction publique, du 17 septembre 2015, est modifiée comme suit :
Art. 53, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Une participation financière des élèves peut être demandée aux parents pour les frais liés à une sortie scolaire, comme les frais de transports, d’hébergement, de repas ou pour le coût du billet permettant d’assister à une manifestation culturelle ou sportive. À l’école obligatoire, la participation des élèves aux sorties, notamment les sorties culturelles, sportives et les camps, est obligatoire. Dans ce cas, la participation financière demandée aux élèves ne peut pas dépasser le montant des frais économisés par les parents en raison de l’absence de leur enfant.
Art. 2 – Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames et Messieurs les députés,
Il y a quelque temps, la presse titrait la mise à mal des camps de ski dans certains cantons. Il faut rappeler que ces événements font suite à un arrêt du Tribunal fédéral du 7 décembre 2017 qui précise que tous les moyens nécessaires servant directement le but de l’enseignement obligatoire doivent être mis gratuitement à disposition¹. La conséquence prépondérante est que les modes de financement de ces sorties scolaires ont dû être repensés, ce qui a amené les cantons à envisager certaines adaptations afin que ces camps scolaires soient maintenus. Toutefois, à Genève, l’abandon du caractère « obligatoire » au profit de camps « fortement recommandés » interpelle et crée quelques inquiétudes². En effet, toutes les sorties et camps scolaires ou encore les diverses manifestations culturelles ou sportives qui accompagnent et agrémentent le chemin de l’éducation des élèves ne sauraient se considérer à « bien vouloir ». Il est évident aux yeux de toutes et tous que la raréfaction voire l’abandon de ces camps scolaires marquera indéniablement un appauvrissement de l’instruction publique.
Ces sorties scolaires font partie intégrante de l’éducation et de l’intégration des élèves dans la société. Elles revêtent un caractère pédagogique important et contribuent à la formation de compétences sociales chez les enfants ; c’est pourquoi, au vu de la grande valeur sociale qu’elles comportent, ces activités doivent au même titre que l’instruction être considérées comme étant obligatoires.
Ces sorties, excursions et camps, qu’ils durent l’espace d’un instant – comme une pièce de théâtre – ou plusieurs jours – comme un camp de neige dans nos belles montagnes –, ne sont pas juste une échappée du quotidien scolaire pour un élève, ces activités favorisent les liens en dehors de l’école et permettent de faire découvrir notre patrimoine naturel et culturel. Aussi, elles initient pour nombre d’entre eux une expérience avec des milieux, des sports et des arts qu’ils n’auraient l’occasion de découvrir autrement.
Ces moments sont cruciaux afin de maintenir une harmonie et une cohésion sociale entre ces élèves de divers horizons et de différentes classes sociales. Au même titre que l’enseignement, ces activités ont comme rôle d’effacer les inégalités sociales en favorisant l’égalité des chances et d’accès à la connaissance, à la culture et aux sports.
Par exemple, une génération de Genevois·es d’origine étrangère a appris à skier grâce aux camps de ski, alors que leurs parents ne skiaient pas ou n’avaient pas les moyens de pratiquer un sport d’hiver. Aujourd’hui, cette génération fait découvrir à ses propres enfants les joies et les beautés de nos montagnes et des sports d’hiver. Permettre à tous les enfants d’avoir accès à ce patrimoine culturel qu’est la pratique du ski en Suisse, c’est aussi valoriser notre patrimoine, perpétuer l’amour de notre pays, et apprendre à nos enfants à défendre la richesse écologique de la Suisse.
Pour rappel, le département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse se faisait fort de sa conviction en arguant qu’« aucun élève ne doit être empêché de participer à une sortie scolaire pour des raisons financières » (cf. directive DGEO). Ces mêmes considérations doivent également être manifestées pour les camps scolaires, car ces derniers ne doivent pas être perçus comme un privilège pour ceux qui auraient les moyens de les financer. Agir ainsi ferait de cette institution, ô combien populaire, un lieu de différenciation entre les classes sociales et un lieu d’inégalité de traitement.
L’indication « fortement recommandés » aura pour conséquence néfaste d’élargir le fossé entre les familles qui ont les moyens et celles qui ne les ont pas, voire pire, de stigmatiser les enfants qui auront été privés de ces activités. Ces mêmes familles chercheront à trouver dans cette brèche le moyen de ne pas manifester leur incapacité à payer cette « prestation » à leurs enfants et de se défaire d’une honte. Car si les choses poursuivent ce chemin, cela deviendra en effet une prestation que seuls certains parents pourront « offrir » à leur(s) enfant(s), et cela pénalisera tout au long de leur vie les enfants qui n’y auront pas eu accès.
Le coût de la prise en charge par le canton de toutes les sorties et tous les camps scolaires au niveau de l’école obligatoire avait été évalué par le DIP à 8 millions de francs³. Les signataires de ce projet de loi n’ont pas les moyens d’affiner cette évaluation, ce qui pourra sans doute être fait dans le cadre des travaux de commission. Il faut par ailleurs noter que le budget 2019 prévoit 400 000 F supplémentaires, à la demande du DIP, pour les sorties de type culturel.
Au vu de ces explications, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de réserver un bon accueil à ce projet de loi.
¹ Communiqué de presse du Tribunal fédéral : lien
² Directive sorties scolaires enseignement primaire et CO : lien
³ Le Courrier – article sur les camps scolaires